En fouillant dans ma chambre, j'ai retrouvé un texte que j'avais écrit au secondaire.
Je me rends compte que j'étais un peu perturbée.
...
Une lumière, deux lumières et puis trois. Installé confortablement sur la banquette arrière de l’Ariès 87 de son père, Michel rêvassait. Il comptait tranquillement le nombre de lampadaires aux ampoules éteintes, brûlées. Chaque fois qu’il se rendait chez sa mère, il recommençait ce même petit manège. Michel n’avait que sept ans. Malgré la candeur de l’enfance et ce que l’on peut en penser, le petit homme avait parfois envie d’arrêter de penser. À chaque fois qu’il se mettait à calculer, il oubliait tout, comme s’il était seul au monde. Tout ce qui était autour de lui n’était là en fait que parce qu’il en avait décidé ainsi. S’il se concentrait, tout pouvait donc disparaître, temporairement, mais quand même. Ce qui était bien dans tout ça c’est que dans ce minuscule univers bien à lui, rien ne pouvait l’atteindre. Enfin rien, jusqu’à ce jour.
"Maman ?"
Rien, pas un son, ni même un murmure, à peine le faible écho de sa voix d’enfant. Il fit le tour de toutes les pièces et la trouva dans la salle de bain. Elle était là, étendue dans son bain, baignant dans son sang, le poids de sa peine. Michel resta là, figé, paralysé par cette image d’horreur. Qu’est-ce que les yeux d’un enfant de cet âge sont sensés être capable d’endurer? Comment devait-il percevoir le désarroi, le suicide, la mort? Il manquait d’air, il devait sortir de là, fuir, c’était une urgence. Il devait quitter cet endroit, oublier cet instant. Il y a des minutes, des secondes précises comme celle-ci qui tout bêtement, changent une vie, une existence. Ces instants sont alors comme ces enfants que l’on n’a jamais désirés et qui la plupart du temps, de façon bien singulière, parviennent à changer toute l’histoire. Cependant, Michel refusait de croire que son histoire à lui allait changer. Il courut et courut comme jamais on cru un enfant capable de le faire. Perdu, il s’arrêta de courir brusquement et vomi comme si sa peine allait être évacué par le fait même. L’estomac vide, il avait toujours mal. Haletant, il regarda autour de lui et vit un petit café au bout de la rue Boutiller. Sans vraiment savoir pourquoi, il marcha jusque là et entra calmement dans le café. Il y avait aussi cet homme assis à cette table à gauche qui leva les yeux de son livre comme s’il voulait lui venir en aide.
Il était trop tard, elle était déjà là. Elle avait toujours été là, elle avait toujours fait partie de lui. Ce qui était étrange c’est qu’il ne l’avait jamais connue, vraiment connue. Elle n’avait fait que rôder autour de lui, sans s’imposer. Désormais, il savait qu’elle vivrait à jamais à ses côtés et qu’il ne pourrait rien y faire. On l’assomma de rencontres chez le psychologue et tous les spécialistes tentaient de l’aider à se débarrasser d’elle. Ils étaient loin de se douter qu’ils n’avaient aucune emprise sur la situation. Michel s’était résigné à accepter sa présence à défaut d’ingurgiter quotidiennement des antidépresseurs à 2, 5, 7 et 9 heures. Elle ne parlait jamais, se contentant seulement d’être là, sachant très bien que sa présence dérangeait, bouleversait. Heureusement, avec le temps, Michel apprit à l’apprivoiser car il savait que mauvaise ou pas, elle était la voix qui le poussait toujours à se dépasser. Il avait compris que refuser sa présence était la mort de l’âme. Les muses étaient la source d’inspiration des poètes, des artistes, mais elle, elle n’inspirait que le mépris, le dédain, mais plus pour lui. Elle n’était ni une femme, ni une fleur, elle était l’air qu’on respirait. Elle était pour lui, la base de tout, de la vie.
Son nom à elle était la peur.
1 commentaire:
C'ÉTAIT MAGNIFIQUE! crime, t'as écrit ça dans le cadre de quoi? les nouvelles en sec. 4?
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